Agriculture et agroalimentaire
C'est l'histoire du beurre qui est parti voir les tulipes aux Pays-Bas
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C’est l’histoire d’un beurre fabriqué en Normandie, qui a voyagé jusqu’aux Pays-Bas pour y être congelé, avant d’être décongelé et de revenir… en Bretagne.
C’est l’histoire d’un beurre qui a parcouru des milliers de kilomètres alors qu’il n’y a que 90 km entre son fabricant – une laiterie de Condé-sur-Vire, en Normandie – et son acheteur – la biscuiterie La Mère Poulard, à Maen-Roch, en Ille-et-Vilaine.
Pourquoi ? Oh pour l’argent. En transportant le beurre aux Pays-Bas, en le congelant, puis en le revendant plus tard, les négociants néerlandais profitent de la spéculation pour augmenter les prix. Résultat : le prix du beurre industriel a bondi de 88 % en un an (pour info parce que j'étais curieuse, une tonne de beurre valait dans les 8 000 € en septembre dernier)
Une aberration économique, oui. Mais ce n’est pas tout : cette pratique est aussi une aberration écologique. En ajoutant un trajet de 1 400 km aller-retour par camion, on alourdit l’empreinte carbone d’un produit qui aurait pu se contenter de parcourir 90 km. Pour rien, rappelons-le.
Pour le directeur général de La Mère Poulard, interviewé par le journal Le Parisien « Il y a de quoi devenir dingue, au moment où on vient de payer un audit de 6 000 euros pour décarboner notre activité, et où on réduit de 3 mm l’épaisseur du carton de nos emballages. ». Des efforts mis à mal par l'empreinte écologique des 70 tonnes de beurre annuelle utilisées par la biscuiterie.
Ironiquement, cet audit lui aura sans doute conseillé de privilégier des matières premières locales. Mais problème : les fabricants préfèrent travailler avec des négociants. C’est plus simple (un seul client qui se charge ensuite de la revente), ça garantit des volumes plus importants, et les contrats sont souvent plus avantageux financièrement qu’une vente directe à de multiples petits acheteurs.
Mais alors comment empêcher ce genre de pratique ? Par la réglementation, essentiellement. En imposant des règles strictes sur l’origine des produits et leur empreinte écologique, on pourrait limiter la marge de manœuvre des négociants en mettant fin aux bénéfices financiers de ces pratiques absurdes de congélation et de revente, et en redonnant en parallèle à l’achat local la place qu’il mérite sur le marché.
Bref, c’est l’histoire d’un monde où même les Bretons et les Normands se font avoir… sur du beurre.

Le débunk
A nuancer.
Concernant le cas particulier de La Mère Poulard cité dans Le Parisien, difficile de le vérifier.
https://cvc.li/YSqAT
Mais ce procédé se retrouve bien dans les chiffres de 2022 de l’OEC qui analyse des données détaillées sur le commerce mondial : https://cvc.li/egHSQ
Les Pays-Bas occupent la 2ème place mondiale à la fois comme importateur et exportateur de beurre. En revanche, la France est le 1er importateur mondial, avec un volume de 1,29 milliard USD en 2022.
Le beurre est bien congelé/décongelé pour le transport et l’entreposage.
https://cvc.li/AgBUJ
Et ce processus a un impact écologique qui reste loin d’être idéal.
Mais, les variations des prix du beurre ont été exagérées.
Pour atteindre une hausse >80 %, on a comparé les prix les plus bas (4 300 €/t, de 02-09 2023) aux prix les plus hauts (7 900 €/t, de 09-11 2024). Mais, les prix étaient déjà élevés sur certaines périodes, comme entre 04-11 2022, où ils atteignaient 6 900 €/t
https://www.clal.it/
En réalité, l’absence d’une production locale fiable pousse les acteurs du secteur à stocker le beurre pour le revendre lors des périodes de pénurie. Ce service répond à une logique économique justifiant une certaine rémunération.
https://cvc.li/INDUJ
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