Agriculture et agroalimentaire
Des coquilles St Jacques d'élévage ?
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Hier soir, Hugo Clément, le journaliste bobo écolo nous offrait dans un nouvel épisode de magazine drama "Sur le Front" une nouvelle pépite de désinformation dont il a le secret.
Dans cet édifiant documentaire sensé nous présenter, en utilisant ce ton mi-cynique mi-catastrophiste devenu marque de fabrique, les résultats d'une "enquête" (nan, rigolez pas, il se donne du mal) sur la pêche de nos espèces marines favorites, pour ces fêtes de fin d'année avec, pour but ultime de nous orienter vers celles bénéficiant des pratiques de pêche les plus vertueuses.
Autant dire qu'à l'issue des 53 minutes du documentaire, on peut s'attendre à rester sur notre fin à l'issue du réveillon...
Parmi les espèces "suspectes", la coquille Saint Jacques (Pecten maximus), à ne pas confondre avec le pétoncle massivement exploité par l'industrie des plats cuisinés, est essentiellement pêchée d'octobre à mai sur les côtes de la Bretagne septentrionale (baies de Saint-Brieuc et Saint-Malo), et de Normandie (baie du Mont-Saint-Michel et baie de Seine).
Comme l'indique très justement le propos liminaire de la séquence consacrée à la coquille, sa pêche est très fortement réglementée, chaque navire de pêche ne bénéficiant que de deux créneaux de deux heures hebdomadaires afin de préserver les gisements.
Mais soudain le documentaire part en sucette en mode complotiste... et si les coquilles Saint Jacques présentes sur nos tables à Noël et à la Saint Sylvestre n'étaient pas naturelles ? Et de nous montrer "l'ensemencement" des fonds marins avec 7 millions de bébés coquilles âgés de 8 mois paske sinon y en aurait pas assez à manger !
Malheureusement, notre journaliste tendance Clémence Guetté et Sardine Rousseau (je sais rien, mais je dirai tout) a légèrement... non carrément bâclé le boulot, certainement pour faire passer un message propagandiste quitte à tordre le cou à la réalité. Car oui, il existe bien des écloseries gérées par l'Ifremer afin de repeupler des gisements très impactés par le passé du fait de conditions climatiques rigoureuses comme ce fut le cas dans la rade de Brest au cours de l'hiver 1962-63 et les ensemencements en cours en rade de Saint-Malo et à Belle-Île ne sont qu'expérimentaux. Par ailleurs, si le naissain utilisé vient bien d'écloseries, il est issu de l'élevage de spécimens sauvages, il n'y a donc pas de dispersion en mer d'une population "artificielle".
https://lnkd.in/ev9yJ-np
Et que sont ces 7 millions de coquilles Saint Jacques "d'élevage" comparés aux 100 000 tonnes de ressources estimées, en augmentation par rapport à la saison précédente, avant l'ouverture de la saison de pêche si on considère qu'il faut en moyenne 5 coquilles au kilo ?
France Télévisions, service public financé par nos impôts semble céder de plus en plus aux sirènes de la désinformation pour faire le buzz et remplir les caisses de sociétés de production comme Winter Productions...

Le débunk
🤔 À nuancer
Ce que met en cause le documentaire, c’est la transparence envers les consommateurs. Les coquilles Saint-Jacques, bien qu’appelées "sauvages", peuvent être issues d’écloseries.
https://www.inao.gouv.fr/produit/3401
L'ensemencement des coquilles Saint-Jacques reste limité mais l'écloserie du Tinduff travaille tout de même pour les gisements de Granville à La Rochelle. Dans des zones comme la rade de Brest, deux tiers des coquilles pēchées sont issues de semis (https://bit.ly/3PddMi0).
Cette pratique qui vise à préserver ou régénérer certains stocks pose des questions sur la diversité génétique. En effet, une diminution de cette diversité peut réduire la capacité d’adaptation des coquilles aux changements environnementaux, qu’il s’agisse de maladies, de pollution ou de variations climatiques (https://bit.ly/3PglszG).
Cela dit, le ton alarmiste et la simplification des faits reprochés à Hugo Clément pourraient tout autant s'appliquer à cette publication. Si le débat sur la pêche durable est essentiel, ce débat gagnerait à éviter les postures polarisées.
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